Ma vie, un rude combat (Paul Louis Kabasubabo) ou l’expérience de gestion de l’administration, de l’Onatra et de la Sncc
Né en 1927 à Lusambo, au Kasaï oriental, de père haut fonctionnaire belge et de mère congolaise - fille d’un chef de tribu Nsapu Nsapu répondant au nom de Jeanne Kalombo Koni - Paul Louis Kabasubabo parle de sa naissance, de leur abandon (lui, son frère aîné et sa mère) par leur géniteur fonctionnaire colonial, de sa scolarisation à la Colonie scolaire de Boma - un internat tenu par les Frères des écoles chrétiennes où régnait une discipline de fer; de sa vie professionnelle entamée en 1945. « 16 ans au service de l’administration coloniale belge et 12 ans au service du Congo indépendant, ponctués par un perpétuel combat de tous les jours », souligne-t-il. Il déplore l’ingratitude de l’Etat employeur. «Malgré d’éminents services rendus, ni la Belgique pour la période d’avant l’indépendance, ni le Congo d’après l’indépendance, ne se soucièrent de l’ancien serviteur que je fus. Pour l’une, je n’avais pas la nationalité belge pour pouvoir bénéficier d’une pension belge, et pour l’autre, je n’étais qu’une quantité négligeable malgré que j’avais atteint le plus haut sommet administratif, à qui on remet la contre-valeur de 11 dollars US par mois comme pension pour mes bons et loyaux services », a-t-il déclaré très peiné.
A travers ce livre, les agents et fonctionnaires de l’Etat vont découvrir les circonstances dans lesquelles l’administration alors dirigée par des Belges est passée dans les mains des Congolais, sans aucune remise-reprise et sans organisation d’un échelonnement de la reprise, fait-il remarquer. Tel était aussi le cas des anciens agents congolais de l’Otraco qui avaient tous repris sans aucune préparation et remise-reprise.
Une indépendance «brute»
Parlant de l’actuelle Sncc qu’il a dirigée de janvier 1971 à 1972, l’auteur rappelle qu’il avait mission de transformer la société BCK en KDL en reprenant son actif et son passif et donner au personnel local la place qui lui revenait. Il trouvera au sein de cette entreprise à sa nomination que la ségrégation continuait à régner comme si le pays n’avait pas obtenu son indépendance. «Tous les postes, même ceux de simple capita de jardiniers ou de femmes d’ouvrage, étaient occupés par des expatriés. Les cadres congolais engagés par le siège social de KDL installé à Kinshasa, étaient parqués dans un centre de formation depuis deux ou trois ans, sous prétexte de leur inculquer les origines et le fonctionnement de la société. J’ai entrepris un vrai combat pour mener des négociations entre la BCK belge et la KDL et rétablir la dignité du travailleur congolais. Cela n’a pas été facile». (…)
Il finit l’ouvrage en faisant une étude comparative entre les deux époques de la colonisation et de l’indépendance. Durant la première, écrit-il, le Congolais ne pouvait circuler dans sa propre cité de 23h à Sh du matin, alors que le blanc n’était astreint à aucune restriction; le Congolais ne pouvait se déplacer d’une localité à une autre sans l’obtention d’une autorisation consignée dans son livret d’identité, ce qui n’était pas le cas pour le blanc; les salaires et tant d’autres avantages étaient d’une inégalité flagrante. L’auteur reconnaît que le Congolais avait tout de même hérité d’autres avantages, comme l’ordre, la discipline, la ponctualité, la salubrité, la justice égale pour tous. Durant l’après-indépendance, certains dirigeants congolais ont tout simplement repris à leur compte et même gonflé les avantages tant décriés aux expatriés. Et le pauvre fonctionnaire, délaissé à lui-même, ne sait où donner la tête; et la population, déjà mise sous régime forcé pour sa survie, se voit régulièrement spolié de ses biens, sans aucun espoir de dédommagement. (…)
Comme un film, le livre relate les faits vécus appuyés par certaines photos. (22-04-2008)